Craintifs et peureux s’abstenir. Ce qui vaut pour ce couple est aussi vrai des autres protagonistes – de Christine, misanthrope et excentrique, si attentive avec Ida et Bergogne (elle ne l’appelle jamais Patrice). Agent : Isabelle de la Patelière - UBBA - 3, rue de Turbigo, 75001 PARIS - info@ubba.eu, Archives : On peut trouver à la disposition des chercheurs un fonds Mauvignier à la Bibliothèque Jacques Doucet des Universités de Paris. Ça se passe au hameau isolé des Trois Filles Seules, où réside néanmoins un héritier mâle, Bergogne le paysan local, qui a rencontré sur le tard Marion la citadine tumultueuse et sexy, au passé incertain. Laurent Mauvignier distille d'infimes détails, décisifs, les parsème au milieu de ses phrases étirées. On a l’impression de voir la copie d’un film qui n’a pas d’original ni de copie 0. Cette ambition, cette démesure, on la trouve aussi chez Bolaño, dont j’aime la façon de faire respirer le réel entre ses lignes et de rendre cette matière du monde poreuse dans son écriture – même si celle-ci, à force de tout prendre sur le même pied descriptif, m’ennuie parfois un peu, il faut bien que je le reconnaisse. Alors que tout le monde prépare le quarantième anniversaire de Marion, des inconnus sont aperçus en train de rôder autour du hameau. En réapprovisionnement : 2 à 4 semaines Quantité . Suivant. Je ne m’en souvenais pas, mais en relisant des notes sur le film, je m’aperçois que les deux GI tuent le chien de la voisine… Ce qui m’avait d’ailleurs suffisamment marqué je pense, parce que dans Des Hommes, il y a aussi cette scène où Feu de bois massacre un chien, chez Chefraoui. – bien davantage que de coutume soit neutralisée (en attendant la prochaine ?) Découvrir Laurent Mauvignier avec ses « Histoires de la nuit », C'est la lecture d’Après la littérature de Johan Faerber qui m’a donné envie, avec beaucoup de retard (il arrive qu’on soit en avance, mais le plus souvent on est en retard – être à l’heure n’étant pas dans nos préoccupations), de me procurer les romans de Laurent Mauvignier, considérés tout d’abord avec méfiance, sans savoir pourquoi, peut-être simplement par bêtise, parce qu’il reste quelque part dans la tête de qui fut jeune et passionné lecteur du Nouveau Roman l’idée que la période glorieuse des Éditions de Minuit est achevée depuis longtemps…, Ce qui est faux, et même archi-faux, puisque, comme tant d’autres, j’attends, souvent avec impatience, les livres nouveaux d’Eugène Savitzkaya, de Tanguy Viel ou de Jean Echenoz, voire d’Éric Chevillard ou de Jean-Philippe Toussaint, lus eux-aussi avec un certain retard, ce qui fait qu’il m’en reste un certain nombre à dévorer avant que d’aborder leurs derniers opus ; ou appréciés plus récemment, à parution pour une fois, comme les quatre premiers livres de Julia Deck ; sans oublier – bien au contraire – ces formidables auteurs de passage que furent François Bon, Antoine Volodine, Marie Redonnet ou Marie N’Diaye, avant qu’ils n’aillent poursuivre leur chemin chez d’autres éditeurs – pour ne citer que des noms d’écrivains de la période d’après le Nouveau Roman qui se trouvent en bonne place dans ma bibliothèque. On apprend ainsi la méfiance qu’inspire Marion à Christine, dont le tableau en cours est une mystérieuse femme nue et rouge, dont « l’âge laissait apparaître plusieurs époques d’une seule vie dans une seule image ». Nom * Adresse de messagerie * Site web. Avec Nathalie et Lydie, ses collègues, elle aime faire la fête le vendredi soir. Les otages, de la sidération à l'incompréhension, de la stupeur à la terreur, grappillent des bribes de vérité et entrevoient ce qui leur échappait jusque-là. 8 personnes ont trouvé cela utile. Je voulais me mettre à l’écriture d’un film qui se tournerait plus vers le silence, le mouvement, les déplacements des corps : l’idée est venue à partir de ce besoin de chercher le déplacement, de travailler sur l’interstice entre deux actions. Histoires de la nuit, c'est d'abord un roman noir à l'intrigue sophistiquée, construite avec un art du suspens et des coups de théâtre qui n'ont rien à envier aux scénarios d'Alfred Hitchcock. Histoires de la nuit: Mauvignier, Laurent. En quoi s’agit-il pour vous par cette équivalence de traitement entre un désastre mondial et un désastre intime de proclamer une égalité démocratique du roman ? La différence, c’est que, selon ce qu’on va découvrir entre A et L, tout peut s’infléchir, le mouvement balzacien peut être battu en brèche, et le faible s’avérer fort, l’inéluctable se terminer en queue de poisson, le hasard reprendre une chance, ou pas, d’intervenir (c’est pourtant Balzac qui a écrit : « le hasard est le plus grand de tous les artistes. Non, là on se trouve pris, presque malgré nous, par quelque chose de très prégnant, de sensible, qui a peut-être trait, avant tout, à la question du rythme : on est entraîné par la mise en œuvre particulièrement maîtrisée, et de plus assez rusée, mais sans rouerie, d’un véritable sens de l’attente, d’une stratégie efficace de la lenteur, en variant l’usage d’innombrables manières, toutes spécifiquement littéraires : les événements ne se précipitent pas – enfin pas trop – et du coup on se surprend à différer notre besoin de résolution (au point d’espérer qu’il n’y en ait pas : que le final restera suspendu). Leur fille Ida, 10 ans, s'active. L’action du livre se déroule pourtant sur vingt-quatre heures, et les moments les plus dramatiques sur quelques heures seulement. sont, en ce qui me concerne, d’ores et déjà programmées. tragédie Histoires de la nuit, Laurent Mauvignier, Editions de Minuit Bergogne est un agriculteur solitaire et taiseux. Ida est émue par l’animal. On ne saurait présenter ce roman sans dire ce qui nous touche le plus : une écriture à la mesure des personnages, de tous les personnages. Mon problème c’est que j’ai toujours l’impression qu’une phrase ne peut pas cerner ce que je veux dire, que c’est son essence même, sa nature, d’en être incapable. Marion va fêter ses quarante ans, la fête est en pleine préparation. Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années. « Histoires de la nuit », de Laurent Mauvignier : un conte de nos temps obscurs. Cette question me tracasse depuis toujours, et dès le premier roman, Loin d’eux, même si c’était alors de manière assez inconsciente, j’ai essayé d’y répondre en alternant les narrateurs, ce qui permettait de gommer un peu (peut-être artificiellement) les hiérarchies entre eux. Paru aux Éditions de Minuit, il est disponible ici . On a souvent, et il me semble à juste titre, reproché à Balzac de penser ses personnages et la société en général par types, catégories, interdisant aux uns et autres de contredire leurs origines, qui sont aussi leur destination, les laissant achevés, pour ainsi dire, dès les premières notes qu’on a d’eux, ne créant ou ne laissant la place à aucun mouvement, aucune espèce de marge de manœuvre, pour coïncider toujours avec leur nature. Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu'occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu'une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années. C’est ainsi dans nos peurs primaires, c’est presque le thème des trois petits cochons, non ? Je l’ignore, mais ça signifie au moins une chose : le tempo de lecture est essentiel, ainsi que la manière de l’interrompre, ponctuellement. Pendant ce temps, son mari, qui a recours à des amours tarifées, rentre au logis pour peaufiner les derniers détails de la grande soirée. Comment ne pas être émue par la détresse de Charlotte ? france Laurent Mauvignier est parti dun scénario de 35 pages pour faire le récit dune séquestration de plus de … 42,95 $ Feuilleter. Il y a bien longtemps que le nom de Laurent Mauvignier chatouille mon oreille et attise ma curiosité, auteur à la plume si souvent vantée de textes courts et époustouflants. Histoires de la nuit pourrait être un film, une sacrée pellicule d'ailleurs. "On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Dans Histoires de la nuit, l’anniversaire que l’on célèbre est celui de Marion, épouse de Patrice et mère d’Ida, une petite fille de neuf ou dix ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour de la maison”. C'est Bergogne qui, après avoir couché avec une prostituée ghanéenne dans une impasse sordide, appuyé contre une poubelle, est submergé par sa solitude et la honte d'avoir profité« des malheurs du mo11;de et de la vulnérabilité des femmes». La vérité m’importe plus que le vécu. violences conjugales Ou alors, on peut inverser la proposition, et ça me convient davantage de dire que tous mes personnages sont des personnages secondaires, qu’on va essayer d’éclairer comme s’ils étaient des stars. Pour autant, des types qui débarquent chez vous et imposent leur violence, c’est une figure très archaïque d’une violence connue : la guerre, l’insécurité, tous les États du monde connaissent à un moment de leur histoire ces hordes qui viennent et détruisent, imposent le chaos, la loi du plus fort. Minuit Roman Francais Minuit 3 Septembre 2020 Littérature générale; Voir les détails produits . Plus la journée avance, plus l’ambiance s’alourdit, jusqu’à l’irruption de trois hommes qui les séquestrent pendant toute une nuit. Troisièmement : Là où je pourrais dire que ce livre s’écrit contre Continuer et Autour du monde, et même en partie contre Dans la foule, c’est qu’il prend acte de mon incapacité à produire de l’extérieur. Nombreux les thèmes, qui sont la matière de son œuvre, sont présents dans cette « Histoires de la nuit » – la mémoire, le passé, les troubles de l’identité chez Marion, l’angoisse de la provenance, la culpabilité, la solitude de Bergogne, les troubles de la création, de la transmission chez Christine ... Laurent Mauvignier donne une forme à la maladresse de Bergogne, il explore le difficile ajustement de ses … Histoires de la nuit. Je dis bien dessin, car même si un des personnages peint, ce livre semble assez peu en couleurs – pour l’essentiel plutôt en bichromie, noir et rouge (notons que le nom de l’auteur recèle deux couleurs : l’or et le mauve). L’écrivain signe un admirable roman, thriller sans action (ou si peu) au suspense purement littéraire. Pas à cause de la pluie, L'élément perturbateur dévoile un passé sur lequel personne ne s'était jamais posé les vraies questions alors qu'il aurait pu y en avoir tant, et provoque une succession d'événements tragiques dans la tension d'un thriller bien ficelé. Mais ça devait être traité de la même manière. Franzen n’est pas DeLillo, et autant j’aime dans le roman américain l’ambition, le travail quasi artisanal des auteurs, autant je trouve que tout ça a un côté « film du dimanche soir » qui s’est méchamment étriqué. Marion est aussi cette mère qui peut raconter à l’enfant des « histoires de la nuit », des contes mettant en scène des ogres. La seule perspective d’entendre, à l’étage de leur maison, sa femme, Marion, et leur petite fille, Ida, discuter, réactive une souffrance ancienne : « Quelque chose le blessera, il les entendra rire toutes les deux, quelque chose le renverra à un sentiment lointain, perdu dans les brumes de son enfance, la sensation d’être exclu, surnuméraire, peut-être déjà oublié ou inutile. Tu vas mourir aussi. de Minuit, 640 p., 24 € (en librairie le 3 septembre). L'écrivain français publie un thriller littéraire, "Histoires de la nuit", huis clos démoniaque au dénouement terrifiant. La blessure ne se donne pas, c’est le sujet apocryphe, ou crypté, de ce qui motive un livre, et au fond, j’ai écrit le livre pour trouver cet endroit dont j’ignore presque tout au départ. Histoires de la nuit pourrait être un film, une sacrée pellicule d'ailleurs. Mais aujourd’hui, à part Joyce Carol Oates dont je peux vraiment dire qu’elle m’a concrètement influencé (son usage des italiques, de certains motifs répétitifs, mais aussi son type de personnages féminins – on pourrait dire que la mère de Marion, par exemple, dans Histoires de la Nuit, est une cousine des grandes désespérées de Oates), je ne suis pas très porté ni vraiment enthousiasmé par ce qui s’écrit aux USA. Ce qui est absolument remarquable dans Histoires de la nuit, c’est le tour de force romanesque qu’il représente. Comme si la réalité, aujourd’hui, existait d’abord parce qu’on reconnait en elle un épisode vécu sur un mode fictionnel. Le cinéma américain, d’abord, avec son cinémascope et ses paysages, a tout emporté, et même les grimaces de De Funès ou les cascades de Belmondo ne faisaient pas tout à fait le poids, bien qu’on les aimait comme des membres de notre famille – ou peut-être même à cause de ça. Ce lieu clos fait écho à d’autres : une cellule de prison, une cité de périphérie, les divers espaces des maisons, avec ou sans murs, cela importe, dans lesquelles habitent la famille Bergogne ou Christine. Résumé : Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu'occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu'une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années.On s'active, on se prépare pour l'anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Un conte qui pourrait être tiré de l’épais recueil Histoires de la nuit, dans lequel Marion pioche ce qu’elle lit à Ida au moment du coucher, même si ce n’est pas toujours de l’âge de l’enfant, qui en sort tremblante. On peut lire ce roman comme un conte effrayant. D’Histoires la nuit, Laurent Mauvignier dit : ce livre “prend acte de mon incapacité à produire de l’extérieur. Dans Histoires de la nuit, peut-être qu’il y a, comme on le disait plus haut, la contestation de la fin de Continuer, mais peut-être pas : la tragédie qui se joue ici, les personnages n’en sont pas vraiment les jouets. Au-delà d’un roman fort réussi, très bien ouvragé, Histoires de la nuit procède quasiment d’une déclaration esthétique. Pour le coup, j’ai pratiqué comme le font souvent les auteurs de polars : j’ai passé énormément de temps à la construction scénaristique, à l’architecture de l’ensemble. Toute cette symbolique du fusil de chasse, comme instrument de transformation du réel en univers symbolique, sans même parler, bien sûr, de La Belle et la Bête, qui sont un clin d’œil à la laideur supposé de Bergogne (il se compare à un ours au début du livre) et à la beauté de Marion. Je ne veux pas donner trop d’interprétation à son suicide, mais il me semble que c’est quelque chose qui le dépasse et parle aussi de la littérature américaine, et peut-être marque-t-il par ce geste la fin d’une époque. Sublime Royaume, Yaa Gyasi. Minuit Roman Francais Minuit 3 Septembre 2020 Littérature générale; Voir les détails produits . J’ai écrit ce scénario, et, en parlant avec Sylvie Pialat, qui avait produit le premier court, j’ai compris que c’était une histoire tellement vue au cinéma, tellement archétypale qu’elle n’était pas nécessaire. Une cloison, un changement d’espace – entrer dans la maison vide, se réfugier chez cette Tatie qui lui enseigne le dessin et la peinture –, cela ne suffit pas pour échapper à la peur. Elle ne voit pas tout ce qui se passe, elle ne comprend pas tout ce qui se dit, souvent dans les cris, les invectives, mais elle entend et ce n’est pas rassurant. La quasi-totalité du roman se déroule dans un cadre épuré, tragique par son minimalisme, un décor isolé, au bord de l’effritement. Mais, pour protéger sa petite Ida, la douceur s’impose, il faut rassurer l’enfant, lui indiquer les voies pour échapper à ce qui arrive. D’Histoires la nuit, Laurent Mauvignier dit : ce livre “prend acte de mon incapacité à produire de l’extérieur. C’est à partir de cette configuration assez primitive que ce fait divers opère – et tous les faits divers, à des degrés plus ou moins importants, sont sublimes, forcément sublimes, comme disait Duras de l’un d’eux, avec presque une sorte de fatigue ou de lassitude, tant ce n’est pas du jeu, c’est gagné d’avance : le fait divers vient de loin, il nous raconte, il nous sublime dans notre vertigineuse capacité d’épouvante. Erschienen: 03.09.2020 . Même Christine, la voisine, en dépit de sa méfiance instinctive à l'égard de Marion, est mise à contribution. Le romancier doit ainsi se débrouiller d’un système de signes, d’un appareil de discours, pour dire le trouble qui l’obsède, pour mettre en scène une pluralité de récits et de discours. Curieuse démarche que d’écrire ces quelques lignes à propos d’un livre dont on ne peut en aucune manière dévoiler l’histoire, même si, le succès venant (qui serait fort mérité), on échangera d’ici peu à son sujet entre bons connaisseurs de ce qui en compose la très particulière saveur. En attendant, je suis impatient d’enfin découvrir les opus précédents (probablement en inversant la chronologie de parution – mais rien n’est encore décidé). » Histoires de la nuit a ainsi des allures de thriller- spaghetti (comme on parlait de western-spaghetti). Mais de quelle fiction parle-t-on, si ce n’est une métafiction qui doit coller à l’idée qu’on se fait de la fiction, une fiction de fiction pour que chacun, partout dans le monde, puisse avoir l’impression de reconnaître un film qu’il a déjà vu : on voit deux avions entrer dans des tours et l’on a tous l’impression de reconnaître un film, sauf que ce film n’a jamais existé, que personne ne l’a jamais filmé ni vu dans une salle de cinéma. Histoires de la nuit : l’obscurité d’un polar. Ce que j’ignore encore, c’est si nous le relirons – et comment. Contact : Pour contacter directement Laurent Mauvignier, on peut envoyer un courriel aux Éditions de Minuit, à : presse@leseditionsdeminuit.fr qui feront suivre. Avez-vous eu le sentiment de relever un véritablement défi romanesque et même physique en écrivant un tel récit, dont le suspense relève du roman policier, d’un grand plaisir de lecture et d’une véritable exigence d’écriture ? Ainsi, Patrice, agriculteur toujours sur le fil, dont la ferme vit aussi difficilement que lui, enfermé dans son corps trop lourd, maladroit. Un autre point commun avec ce dernier roman tient au choix d’un moment particulier : un anniversaire. roman noir Dans le lexique de Laurent Mauvignier, « une légère blessure » fait figure d’oxymore, tant celles qui entaillent les corps et surtout les âmes de ses personnages sont profondes, la douleur qui les accompagne lancinante. Particularité notable de cette narration à suspense : elle est singulièrement étirée. La Chevauchée des bannis, d’André de Toth, Les Visiteurs d’Elia Kazan, sont les deux premières sources de ce livre. Quelque chose de Faulkner, si l’on veut faire une équation rapide, mais ce serait un peu trop simple : il faudrait y ajouter des livres fous comme ceux de McCarthy (je pense de plus en plus souvent à Un enfant de Dieu, l’une de ses premiers romans). HISTOIRES DE LA NUIT MAUVIGNIER LAURENT Editeur : MINUIT Collection : ROMANS Date de parution : 03/09/2020 [ean : 9782707346315] En stock ! Plutôt que de tragédie, c’est une machine, presque un calcul au sens mathématique ou statistique. Le chef des sept bandits est un personnage complexe qui est blessé. Au terme de cette épreuve, le sang coulera. David Foster Wallace, en mettant fin à ses jours, pour moi met fin aussi à l’ambition de la grande littérature américaine. Je ne suis pas objective, j'aime tout ce qu'écrit. L’image n’est-elle pas aussi ce qui tracasse les personnages quand, par exemple, le tatouage de Marion ne correspond pas à l’image qu’il a de sa femme ? Je me suis fixé des contraintes : dix pages par séquences. C’est le premier effet de surprise qui saisira le lecteur, ce choix d’écriture, l’inscription dans un genre, les emprunts divers à une dramaturgie romanesque, cette tonalité particulière que l’on n’attend pas et que Mauvignier n’impose, avec une grande habileté, qu’au bout d’un certain temps, laissant croire que son roman parle d’autre chose, de la vie quotidienne dans les campagnes, des habitudes domestiques, de petits événements insignifiants. Précédent. C’est une histoire de langage. Ces fictions renvoient à un réel qu’on ne peut pas toujours nommer, ou pas de façon trop explicite. D’autres que Laurent Mauvignier en auraient fait des monstres désincarnés, des tortionnaires à la Haneke (Funny Games), des abstractions plus que de vrais personnages. Quelle en est l’exacte genèse ? C’est parce qu’elle le renvoie à une image qu’il peut en éprouver le désir – sinon la réalité. Plus la phrase s’allonge, plus l’angoisse augmente, et plus le lecteur est attentif à ses ondulations, ses changements de rythme, ses relatives et autres volutes digressives – et plus, à nouveau, le suspense s’accroît. S’en inspirant, Laurent Mauvignier livre un roman magistral, qui aurait beaucoup à perdre à se trouver, lui, adapté au cinéma. Ma vraie nourriture, aujourd’hui, je la trouve en Europe, chez les Espagnols Muñoz Molina, avec des livres comme Pleine Lune, le Royaume des Voix, ou surtout Dans la grande nuit des temps ; avec l’écriture si dense et alambiquée de Javier Marias ; au Portugal avec Antonio Lobo Antunes dont j’aime énormément l’art du détail, de l’image, sa puissance évocatrice et rythmique qui m’inspire beaucoup, sa capacité à injecter du dialogue dans une continuité que la parole vient déchirer et envahir par accumulations, digressions, pas de côté, proliférations. Parce que le suspense qui la fond procure un plaisir incontestable – et constitue une raison évidente à ce que les 630 pages du volume défilent sous nos yeux à vitesse grand V. On sent chez Laurent Mauvignier le goût du feuilleton qui tient le lecteur en haleine, chaque fin de chapitre suggérant une action à venir grave ou déterminante, tandis que le récit se déroule alternativement dans l’une ou l’autre maison, ce qui multiplie par deux l’attente de ce qui va suivre. Nom * Adresse de messagerie * Site web. C'est ce qui rend si dérangeant ce grand roman tragique. Indéniablement, Histoires de la nuit s’offre comme une singularité dans le paysage littéraire français contemporain. Edité par Minuit - 2020 . Bref, ce récit, si bien ficelé, voire implacable (certains n’hésiteront pas à parler de “tour de force”), qui prend progressivement la forme d’un huis-clos, est probablement plus ouvert qu’on ne saurait le croire, à se faire piéger par la force d’entraînement qu’il génère. Il joue aussi avec les nombres : “3”, par exemple – les “rôdeurs” étant trois en effet, comme les filles : la gamine, la quadragénaire et la vieille dame. Comme dans ses autres récits, tout procède d’une augmentation, d’une élongation du récit, de la phrase, d’une dilatation en quelque sorte d’une matière romanesque somme toute assez simple. Qu’est-ce que vous voulez ?”). D’autant que Laurent Mauvignier ne sous-estime pas la violence des situations qu’il met en scène. Entre Christine et Marion règne une mutuelle méfiance. Or, pour moi qui vis dans ce monde où chacun est prisonnier des images, des clichés, le travail politique et esthétique consiste à dévider la pelote des clichés pour, au bout, se trouver face à autre chose : peut-être le vide, peut-être l’être, peut-être ce que veut dire être un humain aujourd’hui, l’espace de la solitude qui nous est donné à tous. Quand il le tourne, Kazan a 63 ans, c’est un film écrit par son fils à partir d’un fait divers (deux GI reviennent se venger d’un des leurs qui les a dénoncés après le viol d’une jeune vietnamienne pendant la guerre). Ce soir, les masques tomberont avec la nuit et les histoires qui s’y raconteront déferont tous les beaux rêves. Christophe et le Bègue sont sous l’emprise de leur aîné – l’emprise, une notion centrale dans Histoires de la nuit, dont Mauvignier éclaire toutes les facettes, même si le mot n’apparaît jamais –, le premier s’étant particulièrement occupé de son frère cadet, psychiquement fragile et rejeté par leurs parents. Ce serait réduire une œuvre à un documentaire sociologique, le pire qui puisse arriver.